SHARRYLAND
La formidable salama da sugo de Ferrare
La "salamina", qui couve sur son doux lit de purée, est une saucisse qui libère avant tout des émotions.
Où se trouve
"La salama da sugo est une spécialité renommée de la pure marque Ferrara", comme le dit le Guide gastronomique historique du Touring Club italien, "composée de viande de porc fortement droguée et arrosée de vin vieux et d'alcool. Elle a l'aspect d'une petite mortadelle et est bouillie. Elle se mange chaude, à la cuillère, car une fois cuite, elle a une consistance très molle. Son goût est épicé et gourmand, et c'est un aliment vraiment caractéristique qui, à Ferrare et ailleurs, a de nombreux et très fidèles amateurs". Si beaucoup d'eau a coulé sous les ponts du Pô, la réalité de ce mets est restée sensiblement la même. Seulement, d'un plat hivernal exquis, il est devenu une attraction gastronomique qui ne connaît pas de saisons, aussi bien dans la version à la cuillère, typique du jeune saucisson, qu'en tranches ou en quartiers, plus tard dans le processus d'assaisonnement. Dans le verre, comme le suggère le guide lui-même, un Fortana del Bosco Eliceo, aujourd'hui un rouge DOC produit sur les sols sablonneux de l'arrière-pays adriatique.
La salamina, incontournable
La "sal amina", comme l'appellent affectueusement les habitants de Ferrare, est une saucisse absolument unique. Elle l'est par son mélange, de la viande de porc provenant de morceaux hétérogènes (coppa, foie, langue), hachée assez finement et résolument épicée (poivre, clous de girofle, cannelle, noix de muscade), mais surtout macérée dans du vin rouge. C'est aussi par contenant, non pas le boyau habituel, mais une vessie, ce qui lui donne, une fois ficelé, une forme vaguement sphérique. Pour la cuisson à l'eau bouillante, la salama doit être enveloppée dans un linge blanc et suspendue à une cuillère en bois placée en travers de la marmite, de façon à ce qu'elle ne touche pas le métal. Ainsi, après au moins quatre heures, la salama arrive intacte sur la planche à découper et, lorsqu'elle est ouverte, elle révèle son succulent contenu. L'accompagnement habituel est la purée de pommes de terre, mais il ne faut pas oublier que la ville des Estensi est célèbre pour un pain sans égal, la coppia ferrarese : deux croissants roulés et pointus qui se détachent d'un nœud central ; moelleux à cœur, croustillant aux extrémités, il est idéal aussi bien pour les plats succulents que pour les amuse-gueules à base de fromage et de charcuterie.
Ferrare et ses environs
Certes, Ferrare est la capitale de la salama da sugo, mais c'est la région ferraraise qui soutient sa fortune dans la pratique. En ce sens que cette production charcutière spécifique a ses fiefs dans la province : des petites villes qui revendiquent avec acharnement la primauté, voire la primogéniture. C'est ainsi que l'on apprend que des localités mineures se hissent périodiquement à la gloire des chroniques provinciales pour leurs mérites charcutiers. Il existe d'ailleurs plusieurs fêtes à ne pas manquer pour entrer en contact avec la réalité la plus authentique de cette charcuterie. À la mi-juillet, "La sagra della salama da sugo di Buonacompra" (la fête du saucisson de Buonacompra ), une localité qui revient également sur le sujet à la mi-octobre avec "I giorni della salama da sugo" (les jours du saucisson ). Et encore, entre fin septembre et début octobre, la "Sagra della salamina da sugo al cucchiaio", qui se tient à Madonna Boschi, une localité de Poggio Renatico. Enfin, il y a le semi-sérieux "Championnat du monde de la salamina da sugo" qui, dans la seconde moitié du mois de février, voit converger les producteurs de la région ferraraise à Migliarino di Fiscaglia.
Des ancêtres illustres
Cristoforo di Messisbugo était "maître cuisinier" à la cour d'Alphonse Ier d'Este, à une époque où cette fonction jouait également un rôle important dans la diplomatie. En d'autres termes, un maître de cérémonie, capable d'organiser des banquets d'une centaine de plats, ponctués d'intermèdes musicaux et d'autres agréments, au cours desquels on discutait du sort du continent. Élevé au rang de comte palatin par l'empereur Charles Quint, Messisbugo est considéré comme l'un des promoteurs de l'établissement de Ferrare parmi les grandes villes de l'époque. Et comme un ambassadeur qui, à un moment donné, se sent obligé de confier ses mémoires à l'histoire, il rédigea un traité allant de la pratique de la cuisine à l'art du banquet. Il s'attarde, en bon Ferrarais, sur l'art de préparer certaines "mortadelle di ficato" à base de porc et de foie bien hachés avec du sel, du poivre et du "vino vermiglio" (vin vermillon). Il s'agit donc de salumi d'alto lignaggio, dont sont issus les salame da sugo modernes, plus démocratiques.
Un salami littéraire
En 1772, le très estimé magistrat ferrarais Antonio Frizzi, comme il arrive parfois à ceux qui doivent être moroses par devoir institutionnel, écrivit un poème facétieux, "fruit d'une récréation juvénile", sur les mérites du porc, "La salameide", dans lequel il consacre des vers émouvants au salama da sugo : "Un salami juteux " - c'est ainsi qu'il commence - "utilisé pour faire mon Ferrare non utilisé ailleurs", décrivant ensuite son contenu en termes de grain et de couleur comme un "porphyre doux". Curieux oxymore, car le porphyre rouge est l'une des pierres les plus recherchées par les anciens pour sculpter les colonnes des temples et les sarcophages royaux, mais dans ce sens de fabrication de saucisson, le poète l'imagine doux et ruisselant de "liqueur pourpre". Et quelle bonté, à en faire pâlir "Mécène, Héliogabale et LucuIIo", la triade de la gastronomie classique.
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